Fragments du Néant #2
Fragments du Néant #2

Fragments du Néant #2

Extrait #2 du roman en cours d’écriture « Le Néant et la Nuit »

Venant de la Rue Machin, comme sortant de la bouche des enfers, deux gamins qui devaient avoir une douzaine d’années chacun, dévalaient le bitume sur leurs vélos, hurlant à tue-tête des horreurs, hurlant qu’ils étaient les rois de cette ville de merde, qu’ils défonceraient la bouche de celui qui se mettrait au travers de leur passage, donnant des coups de pied sur les rétroviseurs des voitures stationnées, zigzaguant au milieu de la route, comme des terreurs, comme des chevaux fous ou des taureaux désirant écraser le monde. Ils portaient des loques sur le dos, des jeans troués, souriaient comme des rejetons de l’enfer, les dents sales et cariées, et Pierre en releva la tête, s’appuya sur le bord du promontoire pour ne pas rater une miette de la scène, intrigué et souriant, se rappelant qu’ils les avaient déjà vus faire leurs œuvres par le passé, esquinter d’autres voitures dans d’autres rues, ou balancer des panneaux de signalisation à terre, et ce spectacle venant chambouler le quotidien comme un éclair au milieu du paysage, comme une tornade ou un coup de couteau, le faisait sourire, comme s’il trouvait qu’ils étaient en réalité plutôt inoffensifs, encore trop gentil même, que ce n’était là qu’un jeu.

Et alors qu’ils venaient d’éclater un nouveau rétro, qu’ils venaient de l’exploser et de le faire voltiger en l’air comme s’ils venaient de lui mettre un coup de corne, et sans prévenir, sortant presque de nulle part, un homme ouvrit la portière d’une voiture sur le chemin des deux gamins, et se brandit devant eux, un homme dans la soixantaine, chemise propre et repassée, cheveux grisonnants, pull en laine et presque des pantoufles au pied, l’air mécontent, revanchard, un sourire au coin des lèvres, plein de haine et de colère. Il surgit comme un diable de sa voiture, si brusquement, que même Pierre à bonne distance en fut surpris, et avec sa haine et sa colère, se mit au travers de la route, au travers du chemin des deux gamins alors que le rétroviseur finissait de rouler au sol. Le vieux bonhomme, qui devait être habitué à voir passer les deux loustics, ou se trouvant là par hasard ou au contraire les attendant peut être depuis belle lurette, connaissant le trajet des monstres, et ne supportant plus leurs petits jeux, ne supportant plus le chamboulement d’une vie bien réglée, ne supportant plus la folie, la violence, l’expression de la misère, l’expression de la joie destructrice, de la vigueur, de la puissance folle, de l’énergie, et souhaitant sans doute mettre un terme à tout cela, à ces pulsions, à ces tornades, au dérèglement d’un quotidien bien huilé, réussit à mettre les mains sur le guidon d’un des deux vélos, tandis que l’autre poursuivit sa route comme on évite un loup ou un ours

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